Dès que la neige fond au début du printemps, nous forçant à ranger nos skis et nos raquettes, nous sommes nombreux à faire preuve d’impatience pour pouvoir aller randonner sans risque en montagne. Je te propose donc cet itinéraire de randonnée de 2 jours autour de la Tour d’Aï, un sommet emblématique des pré-alpes vaudoises en Suisse, testé et approuvé par mes soins.
Cette randonnée a été réalisée fin mai, mais en fonction des années et des conditions d’enneigement, il se peut qu’elle ne soit pas accessible à la même période cette année. Je t’invite à toujours te renseigner auprès de l’office du tourisme avant de t’engager.
Randonnée autour de la Tour d'Aï en résumé
Départ / Arrivée:
Les Mosses
Durée:
2 jours
Difficulté:
Moyen (3/5)
Meilleure Saison:
Eté
Bivouac :
Autorisé
Il existe de nombreux itinéraires pour atteindre la tour d’Aï, mais comme notre objectif était de marcher sur 2 jours, nous avons rallongé volontairement le nombre de kilomètres en commençant au village des Mosses et en terminant à Leysin d’où tu peux prendre un train pour rejoindre ton point de départ.
Jours | Etapes | Distance (km) | Durée | Dénivelé + | Difficulté |
---|---|---|---|---|---|
1 | Les Mosses - Lac de Mayen | 12,5 | 6h00 | 800 | ++ |
2 | Lac de Mayen - Leysin | 11 | 5h | 700 | + |
Retrouve l’itinéraire complet de la randonnée autour de la tour d’Aï et la trace GPX sur le site AllTrails.
Jour 1 : Les Mosses - Lac de Mayen
Partir randonner en mai, c’est toujours une histoire d’espoir et de paris un peu fous. Entre les promesses de verdure et les derniers caprices de l’hiver, on ne sait jamais trop ce qui nous attend.
Ce matin-là, depuis le hameau paisible des Mosses, le ciel est clair, l’air encore frais, et nos sacs à dos remplis d’une bonne dose d’optimisme. Nous avons alors deux objectifs pour la journée : atteindre le lac Mayen et célébrer dignement notre anniversaire de rencontre. Certains s’offrent des bouquets de fleurs ou des dîners aux chandelles. Nous, on préfère le combo sandwich bivouac. Chacun son truc.
Sur la carte, l’itinéraire semble simple. Dans la réalité… ce sera une autre histoire.
Le début du chemin est presque trop facile pour nous mettre en alerte.
Le sentier s’élève tranquillement à travers un décor de carte postale : de vastes pâturages encore tout humides des dernières pluies, des pissenlits en pagaille, et ce silence, seulement troublé par le tintement des cloches de vaches au loin.
Le chemin serpente doucement, nous laissant le temps de savourer cette sensation unique du printemps en montagne, ce moment suspendu entre deux saisons.
Sourires aux lèvres, foulée légère : tout va bien.
Très vite, nous atteignons le col de la Pierre du Moellé, sans grande difficulté. Le gros rocher emblématique du site, la fameuse « pierre », nous accueille sous un ciel limpide.
D’ici, le regard embrasse les sommets alentours et l’on distingue même le lac de l’Hongrin. Nous profitons de ce panorama face à l’impressionnante falaise du Gros Van pour manger un morceau. On se sent bien, il fait beau et chaud pour la mi-mai. Cette randonnée s’annoncait idéale.
Mais la suite se révèla être une toute autre affaire !
Notre sandwich englouti et les joues rosies par le soleil, nous poursuivons ensuite en direction de la tour de Famelon, cette aiguille minérale qui domine le paysage de sa silhouette fière. C’est là que les choses se corsent.
Sur le versant nord, la face cachée du printemps se dévoile ! Le sentier, normalement évident, disparaît sous un manteau blanc bien piégeux. La neige est épaisse, lourde, sournoisement glissante. Prête à aspirer nos jambes à chaque pas.
La montée vers la tour de Famelon, se transforme en véritable petite épreuve. On rit, on peste, on s’entraide. Quelques traces humaines plus anciennes nous rassurent : d’autres sont passés avant nous, peut-être aussi en galérant copieusement.
Chaque pas demande un effort. Les bâtons s’enfoncent jusqu’à mi-jambe, les chaussures dérapent, et on avance avec cette élégance douteuse propre aux randonneurs pris dans une tranchée de neige fondue.
À un moment, je plante ma jambe jusqu’à mi-cuisse entre deux blocs de roche. Plus de peur que de mal ! Amusé, le co-randonneur m’aide à m’en extraire, et on se rappelle, que c’était censé être « une sortie romantique ».
Eh bien, à défaut de bouquets de roses, on aura eu des éclats de rire et une bonne dose de souvenirs à ressortir pendant les prochains anniversaires.
L’ascension terminée, nous pensions avoir traversé le plus difficile. Mais s’était sans compter sur le désert de lapiaz au pied de la tour de Famelon. Ces dalles de calcaire naturellement fissurées, forment un labyrinthe de crevasses et de pièges.
J’avais déjà eu l’occasion de traverser un terrain « lapiazé » lors de mon trek autour des Fiz et du désert de platé. En plein été, je ne souviens que ce n’était déjà pas évident. Alors avec de la neige de printemps, je te laisse imaginer. À chaque pas, c’est la loterie : parfois le pied touche du solide, parfois il s’enfonce jusqu’au genou dans une trappe glacée.
On avance en crabe, testant chaque appui avec nos bâtons comme des équilibristes amateurs. Le tout ponctué de quelques jurons étouffés et d’éclats de rire hystériques.
Bon gré, mal gré, nous atteignons enfin le pied de la tour de Famelon, impressionnante sentinelle rocheuse dressée au-dessus des pâturages. Malgré la fatigue et l’humidité, la magie du lieu reste intacte.
Les derniers mètres avant de basculer en versant sud se font dans un mélange d’excitation et de soulagement. Comme par magie, la neige disparaît. Sous nos pieds, le chemin redevient terreux, bordé de crocus et de primevères. La descente en balcon jusqu’au lac Mayen est un vrai plaisir après les efforts précédents.
Peu à peu, le terrain s’adoucit et nous amorçons une descente raide vers ce que nous espérons être la délivrance.
Après plusieurs heures de marche, je désespère d’arriver enfin au lac et de pouvoir laisser l’herbe chatouiller mes petons endoloris. Le paysage devient plus encaissé, plus secret. Le silence est presque complet, seulement troublé par le craquement de nos pas dans la neige fondue.
Puis, au détour d’une ultime ondulation du terrain… il est là. Le lac Mayen, blotti au creux d’un cirque dominé par la puissante tour de Mayen, nous apparaît d’un coup, comme un trésor caché.
Quand nous atteignons le lac, l’endroit est désert. Sauvage, brut, sans fioritures. Tout ce qu’on aime.
Le miroir d’eau reflète les crêtes encore enneigées. Quelques marmottes sifflent leur présence depuis les pierriers alentours. On s’assoit au bord, fourbus mais heureux. Les pieds dans l’herbe fraîche et ce sentiment d’avoir mérité notre moment. L’effort de la montée rend l’instant encore plus savoureux.
Cette journée de galère s’achève enfin sur une note de pure magie.
Tandis que nous posons notre bivouac, le ciel se pare doucement de couleurs irréelles. Devant nous, les Dents du Midi s’embrasent dans un festival d’ors et de pourpres. À ce moment précis, il n’y a plus que la montagne, le silence, et deux amoureux emmitouflés dans leurs duvets, les yeux écarquillés devant cette beauté brute.
On aurait bien levé nos verres en plastique pour un toast, mais à la place, on se contente de savourer l’instant, en se disant que la vie, parfois, sait offrir des cadeaux plus précieux que n’importe quelle bouteille de champagne.
Jour 2 : Lac de Mayen - Les Mosses
La nuit est fraîche mais clémente. Le matin, réveillés par une lumière douce filtrant sous la toile de tente, nous replions notre bivouac avec une certaine paresse heureuse.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre randonnée autour de la Tour d’Aï, par les lacs d’altitude. Après les épreuves de la veille, tout semble presque trop facile : quelques névés ici ou là, de petites glissades improvisées, mais rien de comparable à l’enfer glacial et les lapiaz du Famelon.
Nous longeons d’abord le lac d’Aï, encore à moitié blotti sous sa couverture blanche. Puis vient le lac de la Chaux de Mont, petit bijou discret posé dans un écrin de prairie.
Au-dessus de nous, sur la droite, se dresse fièrement la Tour d’Aï. Normalement, un joli sentier grimpe jusqu’au sommet. Mais, avec toute cette neige fondue qui transforme la montagne en toboggan naturel, on décide d’être raisonnables (une fois n’est pas coutume) et de faire l’impasse sur l’ascension.
À la place, nous choisissons la boucle qui descend légèrement avant de remonter vers le col du Tompey.
Bien nous en a pris : depuis la crête de la Chaux du Tompey, la vue est absolument sublime.
À perte de vue, une mer de montagnes et des sommets qui semblent flotter sur le lac Léman… C’est le genre de panorama qui me rappelle, avec une petite claque douce, pourquoi on s’inflige des kilomètres de montée et des t-shirt trempés.
Le sentier descend ensuite doucement vers Leysin.
Après tant de paysages sauvages et de solitude, voir les premiers chalets, les pâturages bien rangés, et entendre au loin le sifflement du train nous procure un mélange étrange de soulagement et de nostalgie. Notre aventure touche à sa fin.
Cette randonnée autour de la Tour d’Aï restera comme l’une de ces aventures où la montagne impose ses règles et où chaque pas réserve son lot de surprises.
Entre la traversée des lapiaz enneigés sous la tour de Famelon, le bivouac paisible au bord du lac Mayen, les reflets dorés des Dents du Midi au coucher du soleil et les vues spectaculaires depuis la crête de la Chaux du Tompey, on peut dire qu’on a été gâtés.
Même si les conditions printanières ont corsé l’aventure, elles ont aussi donné une dimension plus épique à ces deux jours.
C’est un parcours que je conseille à tous les amateurs de randonnées, prêts à s’adapter aux caprices de la montagne… et à en recevoir toutes les récompenses.
Informations pratiques
Comment y accéder ?
Comme mentionné en début d’article, tu peux commencer cette randonnée au villages des Mosses, facilement accessible en voiture ou en train ou bien à Leysin si tu veux t’épargner la partie dans les Lapiaz.
Hébergements et bivouac
Le bivouac est possible sur une bonne partie de l’itinéraire autour de la Tour d’Aï, mais vérifie tout de même avant de partir que cela n’ait pas changé depuis ma visite.
Difficulté
Sur le topo, la randonnée autour de la tour d’Aï est sans difficulté particulière pour un chemin alpin.
On a vu qu’en pratique, au printemps, c’était une toute autre histoire.
A refaire, nous éviterions la portions des Lapiaz de Famelon à cette période de l’année, pour nous consacrer à la boucle autour de la Tour d’Aï.