La randonnée autour du Mont Aiguille fait partie de ces itinéraires que j’avais repérés depuis un moment, sans jamais avoir franchi le pas. Il faut dire que je ne connaissais ni le Vercors, ni ses sommets. Un vide un peu honteux quand on aime les montagnes… mais un vide que j’avais bien l’intention de combler.
Quand l’agence de voyages de randonnée Grand Angle m’a proposée de partir pour plusieurs jours de rando autour du Mont Aiguille, j’ai sauté sur l’occasion. L’idée de découvrir ce massif à travers une itinérance encadrée me séduisait autant que le panorama prometteur.
Dans cet article, je t’emmène sur les sentiers des Hauts Plateaux. Une belle première fois dans le Vercors… et sûrement pas la dernière !
Randonnée guidée autour du Mont Aiguille
Départ / Arrivée:
Chichilliane
Durée:
2 jours
Difficulté:
Moyen (3/5)
Meilleure Saison:
Printemps
Bivouac :
Autorisé
Il existe de nombreux itinéraires sur les Haut Plateaux du Vercors pour faire le tour du Mont Aiguille. Tous les sentiers n’étant pas répertoriés sur les cartes IGN et, le tracé ayant été défini par notre guide, je n’ai pas la trace GPX précise à te proposer. La carte ci-dessous n’est qu’une estimation de notre itinéraire.
Tu trouveras néanmoins plein d’idées d’itinéraires dans le Vercors sur le site Alltrails.
Ascension du Mont Barral
Avant de faire le tour du mythique Mont Aiguille, notre guide a prévu une première randonnée d’initiation.
L’idée ? Nous faire grimper au Mont Barral, à partir du col de Menée, pour observer nos niveaux respectifs, nos rythmes… et repérer qui allait carburer à la tisane ou au chocolat noir pour tenir le week-end.
C’est donc à Chichilianne, adorable village lové au pied du Mont Aiguille, que notre petite troupe se retrouve en ce début d’après-midi. Un groupe de blogueurs venus des quatre coins de la France, une responsable marketing de l’agence Grand Angle qui nous a concoctés le séjour, et bien sûr, notre guide.
On fait rapidement connaissance dans les voitures, le temps de rejoindre le col de Menée, point de départ de cette première rando « test ». L’objectif ? Une mise en jambes jusqu’au Mont Barral, pour permettre à notre guide d’évaluer les niveaux, les rythmes… et repérer les bavards, les rêveurs et les accros à la photo.
La chaleur est soudaine et étouffante en cette fin mai. Heureusement, le sentier s’élève doucement dans un sous-bois accueillant, où l’ombre fraîche contraste délicieusement avec la fournaise du parking.
Notre guide prend alors le temps de s’arrêter régulièrement pour partager ses connaissances et nous offrir une initiation à la botanique, version ludique et gourmande. Comment reconnaître un pin d’un sapin ? Pourquoi les épicéas piquent les doigts ? Et surtout… quel goût ont les bourgeons de conifères ? (Pour savoir, je t’invite à goûter, c’est très bon !)
C’est exactement ce genre d’infos et d’anecdotes croustillantes que j’apprécie quand je choisis un séjour avec un guide. Et d’autant plus en randonnée, l’expérience est alors bien plus riche qu’une simple marche.
La montée devient presque secondaire, rythmée par ces petites pauses instructives et amusantes. On grimpe, on apprend, on goûte, et surtout… on commence à échanger entre nous. D’abord timidement, puis plus franchement, entre deux renoncules à identifier.
En sortant de la forêt, le sentier traverse un champ parsemé de fleurs jaunes. Le guide nous explique la différence entre les classiques boutons d’or et leur cousin plus discret, le troll d’Europe. Une fleur mystérieuse qui ne s’ouvre jamais. On parle aussi des couleurs des fleurs. Le jaune qui attire les insectes généralistes, le bleu réservé aux butineurs experts… On est loin de la rando « sportive » classique, et c’est tant mieux.
Puis vient l’ascension finale, et quel final ! La dernière portion du sentier bloquée derrière une crête nous cache soigneusement le paysage que nous sommes venus chercher. On grimpe les derniers mètres, curieux, un peu transpirants… et là, depuis le Mont Barral, le panorama se dévoile d’un coup, à couper le souffle.
Face à nous : le Dévoluy en majesté, les Écrins qui trônent en arrière-plan, la vallée qui s’étend jusqu’à Grenoble, et tout le massif du Vercors, avec, bien sûr, le Mont Aiguille qui se détache fièrement comme un repère immuable. On mitraille de photos, on s’émerveille, on se tait même un peu. C’est beau. Grandiose. Et ça ne fait que commencer.
La descente se fait tranquillement, à travers une zone d’alpage encore vide de ses moutons estivaux. L’été, le coin est plus animé (et parfois plus tendu) à cause des patous qui veillent sur les troupeaux. Une info utile à garder en tête si tu veux tenter l’aventure sans guide.
On retrouve ensuite le col de Menée par le même sentier forestier. Cette première boucle a rempli sa mission : nous mettre dans le bain, créer du lien… et nous donner un bel avant-goût de ce qui nous attend
Deux jours de trek autour du Mont Aiguille
Les Hauts Plateaux du Vercors par le pas de l'Aiguille
Après une bonne nuit dans le magnifique domaine du château de Passières, c’est au départ du sentier du pas de l’Aiguille que débute vraiment notre itinérance autour du Mont Aiguille.
Sac bien sanglé, crème solaire approximative (je ne le savais pas encore, mais mes épaules allaient s’en souvenir), et direction ce col emblématique du Vercors. Pour l’atteindre, nous empruntons un sentier raide et rocailleux, encaissé dans une sorte de cirque minéral monumental. Le lieu est impressionnant, oui. Et visiblement pas qu’à nos yeux, puisqu’à 9h à peine, on se retrouve à jouer des coudes avec des files de randonneurs.
C’est beau, c’est raide, mais le panorama au sommet, bien qu’agréable, n’a pas provoqué le « wahou » attendu. En grosse partie à cause de la fréquentation. Je n’avais qu’une envie, quitter la foule au plus vite !
Heureusement, dès qu’on quitte le pas de l’aiguille et que l’on pénètre dans la Réserve des Hauts Plateaux du Vercors, la foule disparaît, avalée par l’immensité. Nous faisons une courte pause sur le plateau, le temps de reprendre notre souffle et de jeter un œil à un monument fièrement dressée en plein milieu. Une stèle modeste, posée là en hommage aux maquisards du Vercors tombés ici pendant la Seconde Guerre mondiale. Un lieu chargé d’histoire, qu’on aurait facilement pu rater sans un mot de notre guide. Il nous raconte alors, avec justesse, l’histoire de cette Résistance en altitude, de ces jeunes montés ici pour défendre leur liberté et leur destin tragique. Ces explications donnent une tout autre dimension à notre passage. Sans guide, je serais passée à côté.
Nous parcourons encore une centaine de mètres, et là, changement d’ambiance radical. On avance à travers un paysage minéral, presque lunaire, fait de lapiaz en décomposition qui donnent au décor une allure austère.
Je m’attendais à longer des crêtes avec vue panoramique sur le Mont Aiguille. À la place, je marche dans une vallée silencieuse, presque oppressante, où seuls quelques arbres ont réussi à survivre et à « s’accrocher ». Des pins à crochet, précisément, nous apprend notre guide, toujours là pour glisser la petite info qui change tout.
On fait une pause bien méritée à l’ombre de ces survivants, où nos pieds prennent l’air, et nos esprits aussi. Le guide sort sa boisson spéciale rando, une tisane maison, concoctée avec des plantes du coin, pendant qu’on rigole de mes coups de soleil naissants et qu’on échange anecdotes et souvenirs de treks. L’ambiance est détendue, joyeuse, presque familiale. On n’est plus des blogueurs qui ne se connaissent pas, mais une petite équipe en itinérance.
L’après-midi, on reprend la route avec le pas pressé du randonneur qui craint que le ciel ne lui tombe sur la tête. L’orage se fait sentir. Le sentier nous fait passer devant une zone de reproduction du grand tétras, balisée par des panneaux… posés par les chasseurs pour les chasseurs. On sourit jaune.
En chemin, on affine encore nos compétences de botanistes amateurs : gentianes jaunes ou bleues, genévriers aux baies comestibles ou toxiques, on commence à faire la différence. Enfin, presque ! Il faudra encore quelques tisanes pour tout retenir.
Après 18 kilomètres de marche, on atteint enfin le refuge. Petite toilette de chat, puis on se retrouve pour préparer le dîner tous ensemble afin de déguster une raclette revisitée au feu du réchaud. Un vrai festin de bivouac.
Pendant le repas, notre guide tente de nous initier au chant des oiseaux. Et là, moment culte : l’un d’entre nous reconnaît sans hésiter… le troglodyte mignon ! Silence, puis fou rire général. On clôture la soirée avec des pommes caramélisées et une tisane d’épicéa, en se disant que la montagne, quand elle se vit comme ça, c’est quand même un sacré bonheur.
Le Grand Veymont par le pas des chatons
Le réveil pique un peu. La nuit a été courte, les coups de soleil de la veille ont bien chauffé sous le duvet, et les mollets tirent en souvenir des kilomètres déjà avalés. Je me sens encore engourdie, mais l’envie de retourner me blottir dans le duvet s’estompe illico dès que j’enfile mes chaussures.
Dehors, le ciel est clair, les visages souriants, et l’odeur du petit déjeuner donne du courage.
L’itinéraire du jour démarre doucement, à l’ombre d’un sous-bois. La montée est progressive, rythmée par les pas du groupe et les histoires qui commencent à s’échanger plus naturellement qu’au premier jour. On grimpe vers le plateau du Grand Veymont, où, en tendant un peu l’œil (et le zoom de l’appareil photo), on aperçoit au loin quelques bouquetins. Silhouettes discrètes sur fond de roches claires.
Mais c’est peu après, au col des Chatons, que le moment fort de la journée nous attend. Un bouquetin, seul, à quelques mètres à peine, trône là, impassible, presque curieux. Chacun retient son souffle. L’instant est suspendu, inattendu, magique. Je suis émue de l’observer dans son élément, si tranquille. Ça me rappelle pourquoi je randonne, pour ces instants suspendus, où l’on se sent minuscule mais tellement vivant.
Portés par cette émotion, on poursuit jusqu’au bord des crêtes, juste sous le Grand et le Petit Veymont. Et là… c’est le choc visuel. Sous nos yeux, le panorama le plus saisissant de tout le séjour, à 360°, avec le Mont Aiguille dans toute sa splendeur, vu sous un autre angle. Je reste plantée là un moment, bouche bée. J’ai l’impression d’être au bord du monde. C’est si beau, indescriptible.
On pose les sacs, on savoure. Pique-nique au sommet, discussions qui partent dans tous les sens, du bivouac sauvage aux meilleurs spots photo. Le guide nous glisse alors qu’en été, plus de 100 tentes viennent s’installer ici le week-end. Un vrai camping sauvage, bien loin du calme en journée. Moi qui rêvais de planter la tente ici un jour, j’avoue que l’idée me refroidit un peu. Je suis bien plus adepte des bivouacs discrets, en solitaire ou presque.
La redescente s’amorce doucement, à contrecœur. On échange encore, on blague, on effraie au passage quelques marmottes trop curieuses pour rester cachées. Pas le temps de sortir l’appareil, elles ont déjà disparu. Mais plus loin, une harde de bouquetins se laisse admirer, allongés dans les alpages, comme s’ils nous faisaient un dernier clin d’œil avant le retour à la civilisation. Je m’assieds sans réfléchir, happée par la scène. C’est le genre de moment qu’on ne planifie pas, mais qu’on espère tous secrètement à chaque rando.
On s’attarde, on traîne. Je sens la nostalgie qui monte doucement, cette petite boule au ventre qu’on connaît bien quand une belle aventure touche à sa fin. Mais le ciel, lui, n’est pas du genre sentimental. L’orage monte, et notre guide le sent venir. Il accélère le pas, nous fait presser le rythme, et c’est là qu’on mesure toute la valeur de son expérience. Sans lui, on se serait probablement pris une bonne rincée en plein milieu du pierrier. On atteint le parking juste au moment où les premières gouttes commencent à tomber.
On se dit au revoir, un peu trempés, beaucoup heureux. Je reprends la route, fatiguée, mais le cœur léger. Ce tour du Mont aiguille restera gravé dans ma mémoire, comme une parenthèse suspendue dans le quotidien.
Conseils et infos pratiques
Quel est l'intérêt de passer par une agence ?
Tu veux faire comme moi et partir à la découverte du Mont Aiguille, sans te charger du casse-tête logistique ?
Je ne vais pas tourner autour du sapin (on en a vu assez pendant le séjour 😄), mais l’un des intérêts de passer par une agence, c’est d’avoir un guide à nos côtés. Lors de ce séjour, grâce à Robin nous avons pu apprendre à reconnaître les plantes, à sentir les bourgeons (et à les goûter !), à identifier les arbres, les chants d’oiseaux, les baies toxiques… Le moindre détour devient un prétexte à la découverte. C’est toute une lecture du paysage que je n’aurais pas eu seule. Le guide sait aussi adapter l’itinéraire en fonction du groupe, gérer les risques météo, repérer les points d’eau, et poser le bon rythme. Le fait de partager une aventure encadrée, avec des temps de pause, de repas et de moments simples à vivre ensemble, crée rapidement une belle cohésion de groupe, même entre inconnus.
Quant au confort, on est loin du portage intégral en autonomie : ici, le refuge est réservé, le dîner est prévu (et cuisiné ensemble), l’eau potable est à disposition, et les soirées sont rythmées par la tisane maison et les anecdotes du guide. Pas besoin de se battre avec son réchaud ou de se soucier de savoir si on a bien prévu assez de barres de céréales. Ça allège l’esprit autant que le sac.
Personnellement, j’ai beaucoup apprécié de ne pas avoir à tout planifier, ni à m’inquiéter de la logistique. Je n’avais qu’à me concentrer sur ce que j’aime : marcher, observer, échanger, respirer.
En résumé, un trek organisé en France avec un guide, ce n’est pas juste “suivre quelqu’un”. C’est vivre une expérience plus riche, plus sereine, et souvent plus surprenante.
En pratique
Voici ce qu’il faut savoir avant de te lancer dans une randonnée de plusieurs jours autour du Mont Aiguille:
- Difficulté : compte environ 35km pour 1300m de dénivelé positif. Cela fait 2 grosses journées de marche. La montée par le pas de l’Aiguille et la descente dans les pierriers sont les deux parties techniques de cette randonnée. Cela peut ne pas convenir à des personnes sujettes au vertige ou de jeunes enfants.
- La meilleure période : Le printemps est la meilleure période pour réaliser cette randonnée dans le Vercors. C’est là où la flore est la plus belle, les températures sont agréables et les patous ne sont pas encore sortis. A savoir aussi qu’il y a très peu d’ombre et que, malgré une petite brise sur les crêtes, il fait très chaud pour y randonner l’été.
- Restauration : Il n’y a pas du tout de buvette ou autre chalet d’alpage sur les Hauts Plateaux du Vercors et les sources sont très rares. Il faut donc partir avec la quantité d’eau suffisante et de quoi manger sur deux jours, si tu comptes bivouaquer.
- Bivouac : le bivouac est autorisé de 17h à 9h et est soumis à la réglementation de la réserve du parc du Vercors. Cependant, comme je le mentionnais dans l’article, le Vercors devient victime de son succès et dès les beaux jours les tentes ont tendance à pousser comme des champignons sur les crêtes avec les comportements et les incivilités qui vont avec.
En conclusion, je suis arrivée dans le Vercors sans vraiment savoir à quoi m’attendre. Ce massif un peu secret, que je n’avais jusqu’ici qu’effleuré sur des cartes ou dans des récits, m’a offert bien plus qu’un simple trek de printemps. Des paysages lunaires des Hauts Plateaux aux crêtes en balcon sur le Mont Aiguille, des pauses botaniques aux rires partagés autour d’une tisane d’épicéa… j’ai vécu trois jours hors du temps.
Et c’est sûrement ça, la vraie richesse d’un séjour organisé : se laisser porter pour mieux s’immerger. Ne plus penser à rien d’autre qu’à l’instant, au pas suivant, au chant d’un oiseau qu’on essaie de reconnaître, ou au prochain panorama qui va nous décrocher un “waouh”.
Alors si toi aussi, tu rêves de rando sans prise de tête, de rencontres humaines et de paysages à couper le souffle… garde le Vercors dans un coin de ta boussole. Et pourquoi pas, laisse-toi guider !